Il
vivait seul dans la forêt. Il a créé des chefs-d’oeuvre
Roger Chomeaux, dit « Chomo », artiste pluridisciplinaire
aujourd’hui disparu, a voué sa vie à la création. Son travail hors des
circuits traditionnels de l’art utilisait essentiellement pour
ingrédients des matériaux de récupération les plus divers, qu’il allait
chercher dans les décharges environnantes ou dans les sous-bois.
Pendant la plus grande partie de sa vie, seul sur une parcelle de la
forêt de Fontainebleau, vivant en ascète, dans des conditions très
rudes et dans le plus grand dénuement, Chomo bâtit ce qu’il nomme le
"Village d'Art Préludien", son monde à lui. Ce microcosme est constitué
d’un ensemble de bâtisses, composé de « L'Eglise des Pauvres », du «
Sanctuaire des Bois brûlés » et du « Refuge », des constructions
destinées à abriter ses nombreuses sculptures et peintures. Reclus dans
son univers, Chomo a refait le monde à sa manière, un monde parallèle
où la création est omniprésente, alimentée d’énergies invisibles. “Je
suis gouverné par les forces cosmiques” déclarait-il.
C’est dans son isolement, dans son rapport avec la nature,
dans son mysticisme, dans son désir de donner l’exemple, et surtout
dans son insatiable et impérieuse envie de créer que Chomo trouve sa
productivité, tout en se détournant radicalement des écoles des
Beaux-Arts qu’il avait fréquentées, mais dont il rejetait
l’enseignement. D’ailleurs, il disait lui-même : "Je ne suis pas
instruit des hommes, je suis instruit du ciel". Pourtant, la qualité de
son oeuvre peut trouver sa source dans sa formation académique.
Même si Chomo laisse essentiellement de son oeuvre ses sculptures et
ses
peintures, toutes les formes artistiques le concernaient. Il se disait
à la fois peintre, sculpteur, architecte, poète, compositeur. Par
exemple, il déclamait des poèmes qu’il enregistrait sur un vieux
magnétophone, tout en s’accompagnant de sons surprenants improvisés.
Autre domaine qui le fascinait : le cinéma. Avec le réalisateur Clovis
Prévost, il avait engagé une collaboration très suivie, mettant en
scène ses créations et son propre personnage dans leur environnement.
Le film expérimental, intitulé « Le Débarquement spirituel - Images de
lumière », tourné de nuit, met en oeuvre des éclairages colorés et
révèle les créations de Chomo sous un angle surprenant.
La pauvreté assumée de Chomo lui procure la plus grande
indépendance dans ses recherches esthétiques, loin du monde parisien de
l’art marchand et des galeries, qu’il critiquait d’ailleurs
ouvertement. Dans une série d’entretiens avec l’écrivain Laurent
Danchin (Ed Jean-Claude Simoën), il déclare « Je ne crée pas
pour vendre. Je crée pour m’étonner ». « Je suis riche de pauvreté »
avait-il écrit en écriture phonétique sur un panneau à l’entrée de son
domaine. A cela, il ajoutait « Ils sont pauvres de richesses », exergue
significative de son état d’esprit très critique de la société de
consommation telle qu’il la percevait, notamment au travers de ses
écoutes nocturnes de la radio, et de ses entretiens avec ceux qui
venaient à sa rencontre.
En juin 1999, Chomo s'éteignait en laissant derrière lui un très
important héritage artistique. Sur son terrain, il avait peint sur un
panneau une sorte de conclusion de sa vie, un message ultime : « Quelle
empreinte auras-tu laissée sur la terre pour que ton dieu soit content
? ». M.G.