Film en cours de réalisation.
Présentation d'un prémontage images de 30 minutes, réalisé en 2003, avec bandes sonores de Chomo et la contribution de Claude Clavel, pour les séquences en noir et blanc.
Tournages de 1987 à 1990, par Clovis Prévost, avec la collaboration de Jean-Pierre Nadeau.
À quatre-vingt-deux ans, Chomo entreprend une nouvelle oeuvre d'art total : il met en scène son dernier film, celui que l'on voit en accéléré quand on va mourir. C'est pour lui une manière unique de tout recommencer, de faire retour sur tout : tout a une fin... NON, tout a une suite ! Dans une genèse interminable d'inventaire d'oeuvres, de fouillis de mémoire, il offre une lecture saisissante et vivante, in situ, de toute sa création : le débarquement spirituel de tout son univers, un cosmodrome lumineux-fascinant face à face avec ses doubles internes et externes. Ce film-la possibilité de se mouvoir d'oeuvre en oeuvre comme on va d'île en île, de « s'embarquer » vers une planète autre, un ailleurs absolu-est une dérive expérimentale concrète, spontanée, toujours en mouvement et en état de surprise permanente. Une aventure révélatrice du processus de création propre à Chomo.
Parmi les multiples partenaires de la mise en scène : oeuvres, décors, miroirs, projecteurs de lumières colorées, musiques, poèmes, chimie du laboratoire. Chomo se sert des superpositions d'images comme outil et moyen d'inclusions d'images dans l'image, de dédoublements inlassables, d'effets-métamorphoses. Sortant du noir ambiant, certains plans subissent jusqu'à quatre ou cinq retours en arrière et surimpressions associatives ; parfois la surexposition est si intense que l'effacement-destruction des images par le blanc aveuglant est inévitable. Et les images blanches des arrêts-caméra sont gardées tant elles fascinent Chomo, car elles sont pour lui le rappel obsédant du blanc de la mort.
Tout semble produit par la fusion métamorphosante des images. La mise en scène, puis le film, résultent d'échanges énergétiques entre les supports, le lumineux, le coloré, le sonore. Chomo cherche à accuser l'ambiguïté et la fusion-confusion des idées-images par goût pour le paradoxe troublant, l'atomisation des sens possibles, l'exaltation de la diversité infinie.
Un tel « corps-accord » crée de multiples « synthèses d'images » en constante mutation, une texture et une matière qui à leur tour en engendrent de nouvelles. La matière images de lumière solarisée rêve aussi, véhicule des visions intérieures. C'est l'affirmation du perpétuel changement de toute chose, par engendrement continué et déchaînements insensés, par la contamination, l'imprégnation de tous les matériaux entre eux qui alors se font et se défont, inventent de nouveaux rapports créant des images d'esprit imprévues comme il y a des mots d'esprit. Alors surgissent des singularités concrètes inattendues, étincelles du rapprochement de plusieurs réalités semblables ou différentes. Chomo se considère comme créateur non pas de « formes artistiques » mais de « formes de vie » et d'images de lumière. Le gigantesque double qu'il a édifié autour de lui, est un authentique contre-monde parallèle, nostalgie d'une harmonie cosmique perdue. Par celui-ci, Chomo ratifie la dysharmonie dont ils sont, lui et son royaume, le pur produit. Il est le récepteur, le trans-metteur en scène et le fixateur d'une quête poétique quasiment cosmique. Pris dans la double spirale du ciel et de la terre, du visible et de l'invisible, il devient un vaste champ d'induction où règne la plus haute tension ; là où se rapprochent, se mêlent, s'échangent des énergies complémentaires et contradictoires : Je suis gouverné par les forces cosmiques. Tout devient alors l'effet-reflet d'une mise en mouvement de la pulsation vitale dans sa rythmique vibratoire et ondulatoire. C'est le monde du déploiement et de la connexion de lignes de vie, de fibres en enfilades, de cercles en fuites infinies, dans un combat général de tous les matériaux corpusculaires. Autant d'hiéroglyphes cosmiques à l'image de la multiplicité biologique qui nous habite. L'ensemble est une sorte d'alchimie-fiction sur arrière-fond galaxique : un système d'inclusions d'objets-images, modèles réduits hétérogènes de l'infiniment grand. Une transfiguration de l'indicible et de l'incommensurable. Une cinématique généralisée anime et parcourt ce « vortex » : quadrature purement spatiale, englobante, multidirectionnelle, tout à fait à l'opposé de la géométrie optique et mécanique de la perspective habituelle. Clovis Prévost