Toute l’œuvre de Chomo est sous-tendue par une inspiration poétique, aux forts relents de spiritisme, de philosophie naturelle et d’animisme. Les thèmes chrétiens, plus fréquents à l’origine la Vierge et le Christ sont omniprésents : « Nous sommes tous des crucifiés » dit Chomo, dont les anges, très nombreux, expriment la nostalgie d’une virginité perdue , y voisinent avec une forme de culte du soleil et une thématique astrale, voire cosmique, souvent proche de la science-fiction. C’est un monde de cellules et d’ondes qu’il perçoit comme étant à l’origine des phénomènes physiques et de la biologie inépuisable de la forêt.
Partout, chez Chomo, les têtes, la bouche ouverte, le regard tourné vers un ailleurs, les mains dressées, mains aux shakras comportant parfois jusqu’à sept doigts, et les mutants ou les extra-terrestres côtoient d’autres créatures illustrant le thème de la métamorphose ou de la germination. Qu’il s’agisse de L’Eveil torturé des ondes ou de la Vertèbre d’un Dieu Oublié, des Déchets de Galaxie ou de la Lettre d’Amour Restée sans Réponse, de La Vermine buvant le sang des soleils morts ou des Regards sur le Cosmos, tout l’« art cellulaire » de Chomo, ses sarcophages, ses Christs et ses Madones ensevelis, sont autant de messages émis, comme des cris, dans le désert d’une époque sourde aux préoccupations spirituelles. Pour Chomo, l’artiste est un « médium, disponible à toutes les sensibilités », un « illuminé guidé par l’Invisible », et son art est inséparable d’une nouvelle forme de mythologie, opérant la synthèse entre l’imaginaire religieux traditionnel et des fantasmes d’anticipation.
« Nous sommes à la fin d’un cycle, dit Chomo, la fin d’une civilisation, et j’ai conscience que mon rôle est de remettre à jour les civilisations perdues. » Après avoir peint sur les murs de sa maison la Chute des Etoiles, en prévision des apocalypses futures, Chomo a construit dans le sable, au cours de la dernière période de son existence, des souterrains polychromes, tandis qu’il imaginait des sarcophages mystérieux et des chrysalides géantes, larves de créatures nouvelles qui n’auraient pas encore vu le jour. Entraîné par sa rêverie dans un univers oublié, méconnu, inspiré de la biologie, des germinations et des moisissures de la forêt, Chomo s’imaginait volontiers en archéologue du futur, déterrant les vestiges de notre civilisation défunte, ses dieux et ses idoles étant tombés en ruine. C’est l’évidence d’une mutation spirituelle que désigne obstinément l’art de Chomo, et l’exigence d’un retour aux sources, pour permettre la réincarnation des valeurs primordiales. Car l’Art Préludien, cet art « prélude à une initiation nouvelle », malgré ses Christs et ses Madones, son Eglise et son Sanctuaire, dérangeants pour certains visiteurs, sonne plutôt la fin de la civilisation chrétienne tout en annonçant de nouvelles formes de spiritualité, encore à venir. Et c’est cette intuition d’une renaissance spirituelle, nécessaire et inévitable, d’une nouvelle Foi anticipée poétiquement dans la solitude, qui fait toute l’actualité, et toute la force, de l’Art Préludien de Chomo.
Laurent Danchin